Y'a quoi sur Netflix ? Jim et Andy
- Daniel Venera
- 8 nov. 2019
- 4 min de lecture
Le documentaire sur le tournage délirant de Man on the Moon

Vous vous souvenez de Jim Carrey ? Perso, je l’ai vu pour la première fois dans The Mask. Il avait une énergie comique débordante, proche de l’hystérie, qu’un enfant comme moi ne pouvait qu’adorer. Adolescent, je l’ai retrouvé dans The Truman Show. J’y ai découvert un homme révolté par le système, en quête d’identité … Un homme qui, plus tard, traversera une grande période de dépression, notamment après un film : Man on the Moon (1999), biopic sur Andy Kaufman, humoriste et acteur américain, mort d’un cancer au milieu des années 80.
Andy était unique. Antisystème, repoussant les limites de l’humour, ses performances surprenaient un public partagé entre le rire et la perplexité. Pour vous donner une idée : un soir sur scène, les spectateurs lui demandent de jouer son personnage le plus célèbre : Latka. Irrité par ces demandes incessantes, Andy décide de commencer la lecture du roman Gatsby le Magnifique. Au départ amusé, le public déchante très vite quand il comprend qu’Andy va vraiment lire tout le roman, plusieurs heures durant, jusqu’à la fin du spectacle … Vous voyez le personnage.
Et Man on the Moon fourmille d’anecdotes sur ses performances, qu’elles soient sur les planches ou dans sa vie privée. Je vous recommande vivement de le voir, avant Jim et Andy (2017) dont on va parler aujourd’hui.
Le documentaire revient sur le tournage du film, avec les commentaires du Jim Carrey d’aujourd’hui et les vidéos du making-off, des images cachées par Universal pendant 20 ans pour éviter que le public ne voit Jim Carrey comme, je cite, « un trou du cul ».
Et, croyez-moi, le mot est faible …
Mystico-Hysterico-schyzophrène

Quand il apprend qu’il a décroché le rôle principal dans Man on the Moon, Jim Carrey fait face à l’océan. Il demande à Andy Kaufman de lui envoyer un signe depuis l’au-delà. Au même instant, un banc de dauphin saute de l’eau. Jim Carrey a une mission : faire revivre Andy Kaufman.
Le premier jour de tournage, Miloš Forman, le réalisateur, lui demande : « Jim, tu rentres à ce moment-là et … », avant que Jim ne l’interrompe : « A qui tu parles ? C’est qui ce ‘Jim’ ? Je suis Andy. Fais pas comme si j’étais pas là ». Stupeur sur le plateau. Pendant toute la durée du tournage, Jim était Andy. 24h/24. Pour lui, s’échapper de son corps et devenir cet artiste libre qu’il admirait tant fut une libération. Il n’avait plus aucun souci. Plus aucun filtre.
Pour les autres, il était insupportable. Le documentaire montre comment, crescendo, la vie sur le plateau est devenu un calvaire, atteignant des proportions délirantes. Entre autres : Jim Andy s’est ramené un matin escorté par une dizaine de membre des Hells Angels, gang de bikers de Los Angeles.
« Nice guys, but it was like, I don't know, just a bunch of Hell's Angels hanging around. » Paul Giamatti, acteur sur Man on the Moon
Il repoussait les limites de l’humour … jusqu’à ne faire rire personne. Sa performance était telle que l’équipe s’est mise à lui parler comme si c’était vraiment Andy Kaufman. Et les moments les plus touchants du documentaire sont ceux où les vrais proches d’Andy le rencontrent. Son père, son épouse … tout le monde est unanime : c’était comme si Andy était revenu. Et, pour eux, c’était comme une thérapie.
Mais, derrière Andy, qu’en était-il de Jim ? Abritant l’âme d’Andy (et de tous ses alter-egos, dont l’insolent Tony Clifton), il était à la limite de la schizophrénie. Et les moments les plus flippants du documentaire sont ceux où, prenant la voix d’Andy, il insulte Jim Carrey. Pour l’amour de la créativité, incarner Andy de cette manière lui a fait affronter ses propres démons.
A la fin du tournage, après avoir dû quitter Andy, Jim s’est retrouvé face à lui-même. Il ne savait plus qui il était. Revenir à la réalité a été dévastateur. Il plongea dans une dépression qui dura plusieurs années. Aujourd’hui, face caméra, comme face à un psychologue, Jim nous fait comprendre que la dépression est bien derrière lui et que, dans un sens, l’expérience Man on the Moon avait été thérapeutique.
On fait l’bilan

Je fais partie d’une troupe de théâtre depuis un an. Autant dire que l’expérience Jim et Andy a beaucoup résonné en moi. Ça m’a rappelé ces moments où je me sentais libre d’être quelqu’un d’autre. Ces moments où j’avais le droit d’être odieux envers d’autres personnes. Ces moments où, par souci de vérité, j’étais le personnage, même en dehors de la scène. Ces moments où j’ai sacrifié un peu de mon intégrité pour la vie d’un personnage. Ces moments où j’avais du mal à distinguer s’il s’agissait de moi. Ces moments où incarner un personnage m'a fait réaliser des choses sur ma propre vie. Ce moment où, pour mon équilibre mental, j’ai refusé de jouer le personnage d’un homme qui assiste à la mort de sa propre mère. Ce moment où, après avoir vécu avec un personnage pendant plusieurs mois, je devais le quitter à contre-cœur.
Oui, je pense qu’aucune œuvre n’a aussi bien retranscrit le travail de l’acteur comme Jim et Andy.
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