Critik : The Disaster Artist
- Daniel Venera
- 9 mars 2018
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 oct. 2019
Le film de (et avec) James Franco, raconte la création du « pire film de l’Histoire », The Room (2003), devenu culte.

J’ai connu The Room grâce au Livre des mauvais films sympathiques de Nanarland. Je l’ai vu pour la première fois au Grand Rex, en présence du scénariste/réalisateur/acteur/producteur/monteur Tommy Wiseau et de Greg Sestero, acteur et producteur exécutif. Leur « amitié » m’a intrigué. Adaptation du livre éponyme de Sestero, The Disaster Artist devait éclaircir ce mystère.
Vous pouvez voir ce film sans avoir vu The Room. « Don’t worry »
Promesse
The Disaster Artist s’ouvre sur une question : Qui est Tommy Wiseau ?
1998. Dans un cours de théâtre, le jeune Sestero (joué par Dave Franco) rencontre Wiseau (James Franco), un fou furieux imprévisible. Bien qu’ils soient mauvais acteurs, ils montent à Hollywood pour lancer leur carrière. Suite aux nombreux échecs de castings, les deux amis prennent une décision : « Ils ne veulent pas de nous ? OK. Faisons notre propre film ».
En sortant de la salle, bien qu’amusé par certaines anecdotes, je me suis demandé : Pourquoi adapter The Disaster Artist ?
Le problème du biopic

Une biographie ne fait pas un bon film. Le cinéma a un autre langage. Le scénario doit éluder les moments creux, exciter l’intérêt et donc : tordre la réalité.
Mais la totale véracité des faits importe peu. Autant lire la biographie. Non, au cinéma ce qui compte, c’est l’interprétation. Avec Ed Wood, Tim Burton met en abîme l’univers de ce réalisateur fantasque, considéré comme le pire de l’Histoire. La mise en scène se plie à son caractère. The Wolf of Wall Street de Scorsese est rythmé à la cocaïne, comme Jordan Belfort. Le biopic est la métaphore d’une vie.
The Disaster Artist, lui, prétend percer le mystère Wiseau. Alors que les faits filmés sont inexacts. Point important : Sestero n’aimait PAS le script de Wiseau. Dans The Disaster Artist, il est enchanté. Franco veut nous faire croire que The Room peut être bon. Suspense haletant ? Non. On connaît la réputation du film. Il sera conspué, puis adoré. L’astuce de scénario ne prend pas. La fin est prévisible.
La scène de l’avant-première (absente du livre) veut résumer, en 5 minutes, le phénomène The Room. C’est trop simpliste. Je doute que Wiseau l’ait vécu ainsi.
Pire, le film est mal renseigné. Le mystère plane encore sur Wiseau : quel est son âge ? Son origine ? Son nom ? Checke un peu Franco, tu trouveras.
Oui, l’adaptation de The Disaster Artist est infidèle. Mais, est-ce un bon film ?
Keskilnousmontre ?

Comme Ed Wood, The Disaster Artist se veut porte-drapeau des rêveurs. Si tu veux, tu peux.
Sauf que Wiseau, au contraire d’Ed Wood, n’est pas un passionné. Il veut juste être célèbre. Sa fortune l’aidera (Wiseau aurait investi 6 millions de dollars dans The Room). Il est imprévisible, antipathique. Comment s’identifier ? Sestero, lui, est plus raisonnable. Dommage, il se fait voler la vedette.
Le livre de Sestero semble offrir plusieurs pistes intéressantes. Franco n’en suit aucune. Il raconte la création de The Room. Point.
Il ouvre pourtant des trésors de scénario (et donc de mise en scène) … avant de les refermer aussi sec.
Exemple. Pendant le tournage de The Room, une actrice se demande : « pourquoi il a écrit cette histoire ? La jalousie, le gamin abandonné … Est-ce qu’il a vécu ça ? ». Cut. On en saura pas plus. Dommage, Wiseau aurait pu briser la glace, nous dévoiler ses fêlures du passé.
Car oui, il EST Johnny, le héros de The Room. Ce personnage est jem’enfoutiste, jaloux, impulsif, hystérique. Il a une copine, Lisa. Elle le trompera pour Mark (joué par Sestero), à savoir ... le meilleur ami de Johnny.
Dans la vie, Wiseau est jaloux d’Amber, la copine de Sestero. Il la voit comme une concurrente. Il aurait été intéressant de les confronter.
Aussi, Wiseau espionne l’équipe de tournage. Dans le film, Johnny met Lisa sur écoute.
Tous ces parallèles auraient pu être mis en scène pour nous faire comprendre que The Room est l’œuvre d’un auteur. Wiseau voulait montrer l’importance des relations et les désastres de la trahison.
Ce que Franco n’a pas compris.
Moquerie …

Golden Globes 2018. James Franco remporte le prix du meilleur acteur pour The Disaster Artist. Pendant son discours, il appelle Wiseau sur scène (et oublie Sestero). Wiseau veut parler au micro. Franco le repousse, l’air moqueur.
L’épisode est symptomatique. Wiseau reste une bête de foire. Il n’appartient pas au « monde du cinéma », celui de Franco. Ce que The Disaster Artist devrait contredire.
De plus, la scène de l’avant-première ne reflète en rien l’engouement pour The Room. C’est cynique, moqueur.
"Cette scène servira d’arme difficilement contestable pour étayer la détestation des amateurs de nanars, foule de lynchage moquant l’impudent qui aura osé sortir de la grammaire cinématographique majoritaire." Drexl, dans sa chronique sur le film
Au contraire, les fans du film (et les nanardeurs en général) ont un regard tendre face à cette œuvre ratée. Parce que Wiseau voulait bien faire
… comme Franco ?
… ou maladresse ?
Franco est un fan maladroit de Wiseau. Il pense rendre un hommage mais pointe son incompétence, son antipathie.
Il est pourtant son alter-égo. Il rejouera même certaines scènes de The Room. Il montre ce travail en split-screen, comme un enfant fier de son décalquage.
Comme Wiseau, Franco joue, réalise et produit. Dans la première scène au théâtre, il se met au centre. Capte toute la lumière. C’est son film.
Il vampirise Dave Franco, son petit frère, alias Sestero. Il l’arrache à sa mère, le père est absent. Est-ce la vie des frères Franco ?
Aussi, pour devenir acteur, il jouait de sa "baby face" comme Sestero.
Il fait aussi jouer son meilleur ami, Seth Rogen.
Oui, Franco se reconnaît dans le parcours de Wiseau.
On fait l’bilan
The Disaster Artist est une adaptation infidèle. Le film est drôle mais manque d’un angle d’attaque pour sortir de la description. Autant lire l’œuvre de Sestero, plus fournie et réelle.
Par contre, tout le monde doit voir The Room. Pourquoi ? La réponse au prochain article !
J’espère que ça t’a plu et merci d’avoir lu !
"Bye bye"
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