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Critik : Portrait de la jeune fille en feu

  • Photo du rédacteur: Daniel Venera
    Daniel Venera
  • 22 oct. 2019
  • 3 min de lecture

Le nouveau film de Céline Sciamma

La bande-annonce m’avait intrigué. Sa sortie en salles m’avait échappé. Et puis, avant qu’il ne disparaisse, j’y suis allé. WOW. Quelle claque. Sérieusement, c’est l’un de mes films préférés de 2019. Allez vite le voir. Le temps presse.


Marianne (Noémie Merlant), peintre, est chargée par une comtesse de réaliser le portrait de sa fille Héloïse (Adèle Haenel). Cette dernière est fiancée à un Milanais, et ce portrait doit permettre de conclure l'union. Héloïse, qui ne veut pas se marier, refuse de poser. Marianne se fait donc passer pour une compagne de promenade, observe discrètement son modèle et la peint de mémoire le soir.


Plutôt original, le pitch soulève plusieurs questions : Quelle est la nature profonde d’Héloïse ? Comment Marianne va cacher ses intentions et peindre seulement avec ses souvenirs ? Après avoir répondu à ces questions, le film prend une toute autre direction…

Que je n’évoquerai pas. Non. A la place, je vous propose quelque chose d’un peu particulier. Mon analyse critique se fera uniquement à partir de la scène d’ouverture, que je découperai en 5 tableaux.


Esquisse

Tableau n°1 : Un cadre blanc, où se succèdent les noms de l’équipe du film. Une main tire des traits au fusain.


Comme le peintre ou le scénariste, le film commence par une page blanche. La peinture en sera le fil rouge.

Pour coller à son sujet, Céline Sciamma peint des tableaux. Le cadrage est méticuleux. Les lignes dirigent notre regard exactement là où il faut. Tout est à sa place. Mêmes les pans des murs rappellent des cadres, où les personnages s’y placent et s’y déplacent. En extérieur ou en intérieur, la lumière est naturelle. Les scènes de nuit sont éclairées par le feu des bougies ou des cheminées. Pour un film d’époques, il y a peu d’artifices. Il sera précis et réaliste.


Tableau n°2 : Gros plans sur des jeunes filles peintres qui regardent leur modèle.

Montrer des femmes peintres, avant même leur modèle, révèlent deux thèmes. Chaque artiste a un regard singulier. Le portrait/gros plan change en fonction des émotions singulières du peintre/cinéaste. La création dépend de l’intimité entre l’artiste et son modèle. Dans le film, le portrait d’Héloïse changera en fonction de sa relation avec Marianne.

Et, oui, tous les personnages seront des femmes. Il sera bien question de relations et d’émancipations féminines. Héloïse, sorti du couvent, ne veut pas se marier avec un homme qu’elle ne connaît pas. Marianne cherche à vivre de sa passion, dans l’ombre de son père peintre.


Tableau n°3 : Marianne pose.

Introduire son personnage principal de peintre, à la place du modèle (c’est-à-dire en position inverse), montre que la frontière entre les deux rôles sera floue. Marianne et Héloïse seront à la fois peintres et modèles l’une pour l’autre.


Tableau n°4 : Marianne leur demande de bien regarder ses mains, ses bras ...

En plus d’être une subtile invitation au spectateur du film, ce tableau témoigne des croyances de Marianne. Peindre c’est observer. Être précis dans son geste, ça passe d’abord par le regard. Peindre ou filmer, c’est se conformer à la réalité. Et puis …

Tableau n°5 : Une élève lui demande: « Quel est ce tableau au fond de la salle ? ». L’air grave, Marianne répond qu’elle l’a peint il y a longtemps et qu’il s’appelle : « Portrait de la jeune fille en feu ».

Malgré la froideur supposée de Marianne, cette peinture vient tout chambouler. Au contraire de son titre, c’est un paysage nocturne où l’on voit une femme, dans un champ, prendre feu. Qui est cette femme pour Marianne ? Et, surtout, pourquoi est-elle en feu ? Les traits sont flous, iréels et débordent d’émotions. Tristesse, mélancolie, passion.

A l’image de cette peinture, le film sera aussi passionné, symbolique, parfois proche du fantastique. Dans un cadre réaliste, les scènes de rêveries prendront des proportions énormes. Et, à ce propos, un plan m’a fait décrocher la mâchoire. Oui, littéralement. Le genre d’image qui vous marque à vie.


On fait l’bilan

Vous l’aurez compris, mon analyse critique n’est qu’une esquisse. Je n’ai pas été pris d’une attaque de flemme. Non. Mais tout développer aurait été fastidieux et vous aurait gâché le plaisir de la découverte. Car oui, Portrait de la jeune fille en feu regorge de nombreuses inventions qui confrontent le cinéma à la peinture, mais aussi l’artiste à son art et à son modèle, comme jamais personne ne l’a montré .

A travers ses personnages, son intrigue et sa mise en scène, Céline Sciamma invite les auteur(e)s à porter attention aux émotions, et surtout au plaisir, pendant le processus créatif. C’est de là que ça doit partir.

J’espère vous avoir donné envie de vous intéresser à ce film et, si c’est le cas : bonne séance 😉

 
 
 

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