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Critik : Joker

  • Photo du rédacteur: Daniel Venera
    Daniel Venera
  • 15 oct. 2019
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 oct. 2019

Interprété par Joaquin Phoenix, ce « Joker Origins » sort en salles après une attente monstrueuse …

Je n’ai pas été hypé par les bandes-annonces. Je trouvais ça pas très joli et Joaquin Phoenix frisait le ridicule. Ça sentait le roussi. Et puis … le film devient lauréat du Lion d’Or de la Mostra de Venise. Les critiques sont ultra-positives. Tout le monde en parle. Bon. OK. On y va.


Le film nous raconte la transformation d’Arthur Fleck, clown méprisé souffrant de problèmes mentaux, en Joker, l’ennemi numéro 1 de Gotham City.


C’est vite résumé, mais il y a beaucoup de choses dans ce Joker. Et je ne vais pas tout développer. Je vais seulement m’attarder sur le plus emmerdant. Parce que, non, je n’ai pas aimé Joker.


Maquillage et chaussures de clown

Ce que je reproche le plus au film c’est d’être balourd. Comme le maquillage d’un clown, tout est grossi, peu subtil. Pour m’expliquer, je vais tout de suite mettre les pieds dans le plat.

--- Attention, cet article contient des SPOILERS ---

A la lecture d’une lettre écrite par sa mère, Arthur apprend qu’il est le fils de Thomas Wayne. Il rencontre son géniteur. Wayne, surpris par la démarche du fils d’une ancienne assistante, lui dit la vérité. Sa mère a tout inventé, Arthur a été adopté. La scène est franche. On comprend que c’est vrai.

Et là, on a toute une séquence où Arthur : va à l’hôpital, marchande avec le gars des archives, récupère le dossier, voit que c’est écrit noir sur blanc, voit sa mère dans un flashback dire la vérité pour qu’on comprenne que OK c’est bon, là c’est sûr : il a été adopté. Merci, on l’avait déjà compris. Je veux bien que le personnage ait besoin d’une preuve, mais de là à avoir une séquence aussi inutile pour nous …


Bon. Parlons de la sous-intrigue amoureuse avec la voisine. Déjà, il est facile de voir qu’il fantasme cette relation. Imaginez. Votre voisin(e) vous suit jusqu’à votre boulot. Vous faites quoi ? Je pense qu’organiser un rencard avec cette personne est la pire des réponses. C’est tellement gros, qu’on sait que c’est faux. Au pire, c’est pas ce qui me gêne le plus.


Ce qui me rend fou, c’est la révélation. Arthur rentre chez sa voisine. Effrayée et très distante, elle lui demande ce qu’il fout là. A ce moment, on comprend qu’il a tout inventé. Et bah le réal’ keskifait pour qu’on soit sûr de bien comprendre ? Et bah il va nous remontrer chaque-scène-où-elle-est-supposée-être-là-mais-qu’en-fait-non. Alors qu’on avait déjà compris ! C’est anodin, ça prend 20 secondes, mais ça nous fait passer pour des cons.


« Roh mais Daniel, ça va, c’est qu’une scène ! » Le film est toujours comme ça ! La société va mal ? Toute la terre entière va le resasser. Arthur est un peu fou ? Bah vas-y qu’on le voit danser avec sa mère, dans des chiottes, en clown ou en slip. Vouloir tout montrer ou expliquer c’est lourd.


J’en profite pour faire une parenthèse. On a tous besoin d’aimer, d’être aimé et/ou de baiser. Bien. Mais, dans les films, pourquoi se sentir obligé d’y intégrer une relation amoureuse ? Si c’est bâclé, faut pas le faire. S’il-vous-plait. La scène où Arthur s’imagine sous les projecteurs du Murray Show suffit à elle seule pour montrer qu’il fantasme une vie plus heureuse.

Et le film est bien assez surchargé pour se permettre une telle sous-intrigue. Arthur veut retrouver son père, devenir plus fort pour se défendre, laver cette ville pourrie, devenir un grand comique, passer au Murray Show, être accepté avec sa maladie, tout ça sous fond de crise sociale qui grandit, qui fait du Joker une coqueluche des opprimés et qui fera de Bruce Wayne le futur Batman. *Reprise de souffle*


Très bien. Que nous dit le film ? Que les personnes fragiles psychologiquement et poussées à bout par la société deviennent violentes ? Perso, c’est ce que j’en ai conclu. C’est convenu, mais OK. Du coup, qu’en est-il de sa carrière d’humoriste ? De son amourette ? Et pire ! De sa relation avec Bruce Wayne ? Parce qu’alors ça, on s’en contrefout. On sait que papa-maman Wayne vont se faire tuer. Pas la peine de nous refaire la scène. Bref. Un film a besoin d’avoir une ligne directrice. Là, on va partout et nulle part.


Comble de l’ironie, Joker n’en montre pas assez. Il y a une règle d’écriture propre au cinéma résumée par l’adage « Show don’t tell ». Montrer plutôt qu’expliquer. On est au cinéma, on est là pour voir. Et plutôt que de montrer, Joker parle BEAUCOUP. La télé, la radio, Arthur, sa mère, les gens : tout le monde dit que la ville devient de plus en plus violente. Mais moi, je n’y crois pas. A part des gamins qui tabassent Arthur au début, quelques SDF au loin, des sacs poubelles et des immeubles un peu crades … qu’est-ce qui prouve que cette ville est si pourrie ?


Dans Taxi Driver, réalisé en 1976 par Scorsese, Travis (Robert De Niro) est spectateur d’un New-York où règne prostitution, drogues, meurtres, corruption … Cette ville est un enfer. Et si j’en parle, c’est que Joker en est, avec La Valse des pantins (toujours mené par Scorsese-De Niro), un hommage volontaire. Contrairement à son modèle, la supposée violence de Gotham est répétée en boucle aux infos, mais n’est jamais montrée.


« Jamais montrée » … Attendez. Et si …


Violence et médias

Et si cette ville n’était pas si violente qu’on le dit ? Aujourd’hui, tout va mal : guerre, terrorisme, faits divers … Mais est-ce que c’est vrai ou est-ce que ce sont les médias qui nous le font croire ? Parce que dans les années 80, à Paris, les guerres de gangs à 40 contre 40 à Chatelêt, les journaux n’en faisaient pas tout un foin. Aujourd’hui, ça passerait en boucle sur BFM pendant deux semaines. Est-ce que Joker ne témoigne pas de l’exagération des médias sur l’escalade de la violence ?


Après, vu que des milliers de manifestants se réjouissent du meurtre de trois courtiers, Gotham est un peu malade. Surtout qu’au final … les riches … ils ont fait quoi ? Parce que Thomas Wayne est le gros méchant mais il a fait quoi de mal ? Rien. Et les manifestants passent pour des crétins. « Ouais on est pauvres et les riches ont plus de sous. Ouais y’a des riches qui sont morts ! Trop bien ! Et bah du coup euuuuh on va tuer le plus riche ! ».


Avec un discours pareil, comment les médias ont pu trouver le film subversif ? (Re)voyez Taxi Driver. C’était il y a 40 ans. Joker est dangereux ? Vous êtes sérieux ? Quand est-ce qu’on va arrêter de dire que les films et les jeux vidéos rendent violents ? Comme disait Tarantino, qui est plutôt concerné par le sujet :

« Si un enfant tire sur quelqu’un, le problème c’est pas le film ; le problème c’est de savoir comment le flingue est arrivé dans les mains du gosse ».

Ce qui peut rendre un film dangereux, c’est son interprétation. Arthur Fleck est un salaud. Mais c’est pas d’sa faute : il a été battu, il vit dans la merde, tout le monde le déteste et puis … Non. Arthur Fleck est un salaud. On comprend son geste, mais on ne peut pas l’approuver. Ce n’est pas un martyr, ni un mec cool. Et si des malades se mettent à tuer des gens après avoir vu Joker, c’est parce qu’ils s’y reconnaissent. Qu’ils sont aussi, comme Arthur, poussé à bout par la société. Et pointer du doigt des films parce qu’ils sont violents, c’est se voiler la face sur les vrais problèmes.


On fait l’bilan

Alors oui, Joaquin Phoenix est excellent (réfréner un fou rire est déjà une prouesse).

Oui, Joker prend des risques (contrairement aux autres films réchauffés DC Comics).

Oui, il y a (parfois) du suspense (ne serait-ce que la scène « choc » dans le métro).

Oui, c’est (parfois) beau (mention spéciale au plan grue qu’on voit après cette scène dans le métro).


Mais non, ce n’est pas un chef d’œuvre. On se calme. Avec ce même propos, on a déjà vu plus subtil, plus original, plus terrifiant, plus graphique que Joker.


Et c’est dommage. J’écris pas parce que c’est cool d’être à contre-courant. J’étais même curieux de voir le background du Joker. Je voulais comprendre pourquoi il était aussi méchant. Sauf qu’au final, est-ce que ça en valait la peine ? Est-ce que la force du personnage ne vient pas justement de son absence de motivation ? Le Joker du Dark Knight de Nolan, lui, ne souhaite que le chaos. C’est ça qui le rend dangereux, mystérieux et fascinant.


Pour aller plus loin

« Mais mec, t’as rien compris au film. La fin, dans l’asile. Bah on comprend qu’il a inventé son histoire. Qu’en fait, il fait son propre film ! Et tu l’as pas vu ? Mais t’es un boloss ! »


Attends. Quoi ? Oui, il y a des choses qui sont inventés. Son amourette avec la voisine c’est sûr. Le reste, je sais pas et on s’en fout. Ça ne rattrape pas le film. Je pense que c’est même pire de le faire passer pour un délire. C’est justifier les gros sabots du scénario. Parce que le coup du « ah-mais-en-fait-tout-était-inventé », ça marche quand l’invention est déjà captivante (évidemment, je ne peux pas vous donner d’exemples de films sans les spoiler). Sauf que là, le résultat est le même. Ça en fait pas une œuvre géniale et ça ne change en rien ce que j’ai dit plus haut.


Mais j’avoue avoir vu des théories intéressantes. C’est plutôt malin. Si Joker vous intéresse, je vous recommande de fouiller un peu 😉


 
 
 

1 Comment


Jules Starbuck
Jules Starbuck
Oct 16, 2019

Bravo Daniel pour cette critique qui nous entraine dans les méandres scénaristiques sans bouger de sa chaise ! Une critique juste et à contre courant qui prouve la qualité de l'article. Hâte de suivre la prochaine !

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