top of page

Critik : La nuit a dévoré le monde

  • Photo du rédacteur: Daniel Venera
    Daniel Venera
  • 30 mars 2018
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 oct. 2019

Un film français de zombies : Cocoricooooo !

C’est quoi un « zombie » ?


A Haïti, le vaudou kidnappe une personne, la drogue, l’enterre avant de la réveiller avec une autre drogue. Amnésique et apathique, Le zonbi (« revenant » en créole) devient l’esclave du vaudou.


Au cinéma


Le premier film de zombies, White Zombie (1932), des frères Halperin, se déroule à Haïti. Charles veut persuader Madeleine de l’épouser. Elle refuse. Il demande à un vaudou de la transformer en zombie … et en esclave.

La nuit des morts-vivants (1968) de George A. Romero fixe les règles modernes du genre, détachées de la culture haïtienne. Le zombie est lent, décomposé, affamé et dépourvu d’intelligence. La source de la contamination est inconnue. Ces règles diffèrent selon les auteurs.

28 jours plus tard (2003) de Danny Boyle marque l’arrivée du genre au 21ème siècle, avec des zombies rapides, infectés par un virus.


Le film de zombie fournit les bases d’une bonne histoire. Le désir du héros : se protéger, fuir, combattre, voire trouver un remède. Des adversaires puissants : les zombies, nombreux et meurtriers, et parfois des humains au sein même des survivants.

Le film de zombies peut traiter différents problèmes de société : le passif génocidaire de l’Amérique et la guerre du Vietnam [La nuit des morts-vivants (1968)]; la consommation de masse [Dawn of the Dead (1978)]; les flux migratoires [World War Z (2013)] …


En France, ce genre est rare. Jean Rollin fera Les Raisins de la mort (1978) considéré comme le premier film de zombies français et Le lac des morts-vivants (1981), un nanard avec des zombies-nazis. Récemment, on a eu les films de Benjamin Rocher (un cousin de Dominique ?) : La Horde (2010) et Goal of the Dead (2014) (avec des zombies-footballeurs putain).


La Nuit a dévoré le monde est sorti ce mois-ci.


Seul au monde


Le film est adapté du roman éponyme de Martin Page (2012).

« J’ai tout de suite été séduit par ce texte, son ton atypique et la façon dont il pose la question de l’isolement et du rapport aux autres. » Dominique Rocher, le réalisateur

Sam se rend à une soirée, dans un grand appartement parisien. Il ne parle à personne, sauf à Fanny. Il lui demande où sont ses cassettes. Dans une pièce, il les retrouve et s’endort. A son réveil, plus personne. Le mobilier est saccagé, les murs ensanglantés. Dehors, les passants sont devenus des zombies et tuent les vivants. Sam apprendra à (sur)vivre dans l’appartement.


En huis clos, on suit la survie d’un seul homme, contrairement à d’autres films du genre où plusieurs personnages s’entraident ou se confrontent [La Nuit des morts-vivants (1968), Evil Dead (1981)]. Pas d’île déserte ou de cabane abandonnée, mais un immeuble rempli de trésors (boisson, nourriture, armes, médicaments) et de dangers (les zombies).


Le film est ludique. Bien que Rocher reconnaisse un goût pour le jeu vidéo, il affirme un emprunt involontaire au survival horror. Sam explore l’immeuble, récupère, range et gère des ressources, planifie sa survie, tire quand c’est nécessaire.


Mais il reste cloîtré. La source de l’infection est inconnue. Et Sam ne téléphone, ni allume la télévision pour s’informer (perso, j’aurais appelé pour trouver du secours). Seul, sans connaître l’issue du cauchemar, on frôle la folie.

Sam confronte rarement les zombies. Le film préfère se demander : est-on humain lorsqu’on est seul ? Paris est peuplée. L’individu est solitaire.

« Dans sa propre bulle, (...) dans son île déserte, au milieu de la masse grouillante des "autres" »

Même seul, il perpétue des coutumes sociales. Avec ses moyens, il enterre des morts. Il joue de la musique, fait du sport. Il discute, à sens unique, avec le zombie coincé dans l’ascenseur (Denis Lavant !). D’ailleurs, l’idée de domestication du zombie est rare dans le genre. On la retrouve dans Le jour des morts-vivants (1985), mon film préféré de Romero (qui aura le droit à sa critique, promis).


On peut vite s’ennuyer avec un personnage qui attend. Mais les scénaristes relancent la tension : Comment gérer une pénurie de nourriture ? Quels sont ces bruits dans l’appartement ?


Le son, le hors-champ et le muet


Le zombie est un être de cinéma. Pour se repérer, il utilise deux sens : la vue et l’ouïe … comme le spectateur.

Il est muet. Seule sa mâchoire claque. D’ailleurs, les figurants et leur maquillage sont très bons. On croit à ce Paris infesté, éteint.

De plus, les animaux semblent immunisés. Comme dit plus haut, cela dépend des auteurs, comme en atteste cette suuuuuublime BA pour le film Zoombies.


A l’instar des films de guerres, la menace, c’est nous. En crise, l’Homme révèle ses instincts primaires : la survie, la chasse, la fuite.

Comme le zombie, il est à l’affût de sons qui suggèrent le hors-champ. Le plancher craque : qui est-ce ? Chaque bruit extérieur est la menace d’un zombie ou l’espoir d’un secours.

Chaque bruit que je fais hors du refuge peut alerter les zombies. Plongé dans le noir, au milieu d’eux, ma survie dépend du bruit de mes pas. Il faut avancer, mais pas trop vite. Mon fusil est bruyant. Il faut en user avec précaution.

Ces phases d’infiltration jouent avec le hors-champ. Pour le suspense, on filme Sam de face. Il progresse mais on ne voit pas les potentielles menaces. Dans ces grands appartements parisiens, le zombie peut débouler de n’importe où. Il faut examiner chaque pièce. Être silencieux.


Mais au quotidien, l’ennui force le bruit. De nature réservée, Sam se libère. Il fait de la musique avec tout ce qu’il trouve, sans souci de justesse. Il est le seul auditeur. Il joue de la batterie à tout rompre. Il crie.


Un seul personnage, donc peu de dialogues. Tant mieux.

« On s’est très sérieusement posé la question d’en faire un film muet »

D’ailleurs :

« Nous avons tourné deux versions du film, l’une en anglais, l’autre en français. Cette double version impliquait de tourner chaque plan deux fois, (…) et finalement les deux versions sont assez différentes, car la langue a permis aux acteurs de créer des personnages subtilement différents »

On fait l’bilan


La nuit a dévoré le monde étonne. Un film français de zombie. Un drame humain, avec des phases d’actions rares, mais intenses. Un aspect ludique, une question sur la solitude, un travail sur le son et le hors-champ.


Comme Sam, le cinéma français doit sortir des sentiers battus.

Grave, nommé 6 fois aux Césars, a ouvert une brèche. Allons soutenir Ghostland ou Dans la brume (de la SF, sur une idée de Dominique Rocher !) pour montrer aux producteurs français qu’il existe un public pour le film de genre.


Pour aller plus loin

Pour les cas de zombies à Haiti, je vous conseille la vidéo de la chaîne de P.A.U.L, très bien documentée. Ses autres vidéos sur le ciné (celle sur Luc Besson !), les jeux vidéo (Sam Houser, créateur de GTA) ou la littérature (George R. R. Martin) sont aussi très cools !

J’espère que ça t’a plu et merci d’avoir lu !

 
 
 

Kommentare


    bottom of page